26/02/2023

Si tu veux te gaver de pâtes ne va pas en Italie

Lundi. 

Demain c’est la grève mais la SNCF commence en avance en annulant notre TGV pour Lyon. On est obligés de partir plusieurs heures en avance et on passe notre après-midi au centre commercial de la Part-Dieu en attendant la correspondance italienne pour Milan. Après avoir déjeuné un rāmen on est abasourdis par les membres de l’espèce humaine qui déambulent autour de nous. « C’est le royaume de gogols, c’est ouf ! », résume très justement Mon Amoureux. Je traine dans les librairies et m’achète deux œuvres du prix Nobel japonais Kazuo Ishiguro

 

On finit cette attente interminable chez Five Guys en buvant un milkshake et un ice tea extrêmement sucrés en nous demandant comment quelqu’un peut introduire des choses pareilles dans son corps sans que ses dents ne tombent après la troisième gorgée. 

Lors de cette appétissante dégustation un petit manouche nous demande de l’argent. On refuse, alors ils nous demande de lui acheter à manger. Les résidus de mon instinct maternel se réveillent de l’hibernation profonde et j’accepte de lui prendre un truc. Pendant qu’on attend dans la queue je vois qu’il m’étudie pour estimer s’il pourrait me voler quelque chose. Vu que je suis très vigilante il déduit que la tâche serait très difficile et essaie juste de quémander un deuxième burger pour sa sœur. J’apprends qu’il a quatre sœurs mais je n’accepte pas de nourrir toute sa famille qui contribuera très certainement en rien au développement de la société. Je me sens un peu coupable de lui acheter un burger de merde mais vu que sa matière préféré à l’école est la récréation et le sport favori le foot, je me dis que plus tôt il attrape un cancer de l’estomac, mieux c’est pour l’espèce humaine. Je lui ai dit qu’il pouvait commander ce qu’il voulait. Ça m’a couté 17.76 euros. J’aurais mieux fait de lui filer quelques centimes quand il nous a approchés, surtout car il n’avait pas l’air ni maigre ni malheureux. Puis, une fois son repas avalé, il ira raconter à ses copains qu’il s’est fait offert un burger par une cruche Américaine (il a un léger problème avec la détection d’accents étrangers, mais il parle un français compréhensible, on doit déjà se contenter de ça).

 

Si vous voyagez dans un train italien et appréciez la discrétion, sachez qu’il existe deux ambiances différentes selon les voitures – Silenzio et Allegro. On aurait aimé que quelqu’un nous le dise avant de passer cinq heures en mode Allegro entourés des crétins qui parlent fort au téléphone, des vieux qui prennent l’apéro en machant comme des veaux affamés, des gamins qui regardent des dessins animés avec le son à fond en répétant en boucle la même phrase 376 fois ce qui pourrait entrer sur la liste des moyens de torture. 

 

Mardi.

 

On a passé la majorité de la journée en baisant et en faisant la sieste. On s’est quand même forcés de sortir dans l’après-midi mais on aurait mieux fait de continuer avec notre programme précédent. 


La première chose que j’ai vue en sortant du métro était le Duomo caché par des imbéciles des deux sexes qui se prennent en selfies en nourrissant des pigeons pour qu’ils viennent se poser sur leurs corps afin de faire des photos plus impressionnantes. Mes derniers brins d’espoir en l'espèce humaine viennent de s’envoler avec ces animaux nuisibles posés sur les touristes débiles qui publient en instantané tous des contenus identiques afin de se vanter devant leurs amis tout autant abrutis qu’eux.

 

Dix minutes après, arrivée dans la galerie Vittorio Emanuele II, j’étais déjà tellement blasée en voyant des nouveaux crétins faire des tours sur leur talon droit posé sur les couilles d’un taureau en mosaïque au sol que je voulais juste rentrer à l’hôtel, m’allonger sur le lit, regarder le plafond et attendre qu’on s’autodétruise comme espèce. Non, je n’ai pas voulu écraser les balloches de ce pauvre animal pour qu’il m’apporte la chance – je peux tripoter la chouette à Dijon chaque jour si je veux que tous mes vœux se réalisent.

 

J’ai aussi eu la chance de pisser dans le WC turc. Le nord d’Italie est censé être développé, non ? Après la frustration du repas à l’italienne où on a le droit aux quantités minuscules des pâtes pour un prix relativement exorbitant, on est enfin rentrés à l’hôtel pour finir la journée en compagnie de Netflix et en commandant une pizza dans la chambre. Parmi un choix abondant de trois sortes différentes, nous avons choisi une Américaine. Elle consistait en quelques bouts de knackis premier prix et trois-quatre frittes molles jetées par-dessus à l’improviste. Proposer une pizza pareille en Italie devrait être puni par la loi.

 

Mercredi.

 

À la télé on parle que du Festival de Sanremo. Ce truc dure cinq jours avec plusieurs heures de programme au quotidien où on a la chance de découvrir des nouvelles chansons qui ont toutes l’air d’être les mêmes.

Les présentatrices télés italiennes sont toutes des blondes, ont entre 60 et 85 ans mais essaient de ressembler à des gamines de 17 ans. C’est assez triste et répugnant de ne pas s’assumer et rester belle au lieu de se transformer en clown. 

 

Conclusion de Mon Amoureux sur les femmes italiennes en général : « Je les trouve plus jolies que les Françaises. Mais elles ont toutes un truc dégueulasse qui gâche tout au final - un piercing chelou ou un tatouage horrible ».

 

Au Museo del Novecento je n’ai pas du tout été impressionnée par les œuvres ‘spatial concept’ d’un certain Lucio Fontana. Il s’agissait, pour la majorité, des bouts de tissus troués au milieu. Mais j’ai apprécié les efforts d’une prof qui essayait de donner un sens à tout ça en expliquant l’art à un groupe de lycéens français qui mourraient d’envie d’aller nourrir les pigeons dehors.

 

L’après-midi on a visité le Duomo. Pourquoi il y a autant de caméras dans chaque établissement religieux ? Ce ne sont pas les gens qui volent l’Église, c’est généralement le contraire. Qu’est-ce que j’aimerais bien venir ici la nuit et faire du roller quand il y a personne…

 

Jeudi.

 

Commentaire de la journée de Mon Amoureux qui suit fidèlement le Festival de Sanremo : « Je pense qu’on peut dire qu’on est dans un pays sous-développé. Au niveau de la musique - on n’en ferait pas pire en Croatie. ».

 

Pinacoteca Ambrosiana : enfin un truc qui m’a impressionnée. Il n’y a pas beaucoup d’endroits dans le monde où on peut voir les œuvres de Botticelli, Brueghel, Caravage, Raphaël et de Vinci en même endroit. Il y a quand même eu une manie pour dessiner des petits zizis en 15ème et 16ème siècles tout particulièrement. 

 

On a également trainé dans des petites galeries de pop art (Deodato arteWunderkammern) où on a rien pu acheter vu que le prix de la majorité d’ouvres était équivalent de notre emprunt immobilier restant à payer. 


Congelés, on a fini la journée dans le quartier des Navigli où je me suis acheté un livre d’Italo Calvino dans une libraire auprès d’un vendeur italien supporteur de club de foot de Troyes. 

 

Vendredi.

 

On a parcouru 17 kilomètres à pied et on a commencé à regretter d’avoir autant baisé le premier jour au lieu d’explorer.


Le matin en visitant le Château des Sforza je fais une overdose de la Vierge à l’enfant. On dirait que rien d’autre n’existait dans le monde à l’époque. À 12h05 je n’en pouvais plus mais dès que Mon Amoureux m’a proposé d’aller manger, j’ai ravivé tout de suite.

« On s’en fiche de la section de Vinci, allons bouffer ! Mais s’ils vendent des répliques des sabres à la boutique du musée, je vais m’en acheter un avant de partir, ça peut m’être utile. »


C’était un autre déjeuner de déception. 

« Je n’ai plus faim. »

« Moi non plus – je me suis nourrie de la déception. Quand on rentrera à la maison, je vais faire cuire un kg de pâtes par personne et on bouffera ça en un repas. »


L’après-midi on a visité La Scala et la villa Necchi Campiglio de l’époque art-déco.


Le soir on est allé à San Siro. Enfin on a été rassasiés après avoir mangé chacun un panini au pied du stade. On n’a pas été servis rapidement vu qu’on n’avait pas compris tout de suite que c’est celui qui gueule le plus fort qui aura son plat le plus rapidement. 

 

Après Newcastle – Crystal Palace et Liverpool – West Ham, me voilà au troisième match de ma vie : AC Milan – Torino

Il fait 1 degré.

Je cherche une horloge. 

Je la trouve. Ça fait que sept minutes que le match a commencé, j’ai envie de mourir.

On est entourés de Français avec un spécimen particulièrement abruti à ma droite, fervent supporteur de l’OM. 

Comme le jeu ne m’intéresse nullement et il fait trop froid pour lire un livre, j’observe les supporteurs qui dramatisent tellement à chaque mouvement insignifiant comme si leur équipe venait de louper un but décisif à la coupe du monde. 

Après le but d'AC Milan tout le monde autour de moi a été fou de joie sauf un pauvre monsieur dans le rang devant à ma droite qui devait être fan de Torino. Vu que j’étais la seule assise calmement sur mon siège, nos regards se sont croisés. Je lui ai adressé un sourire de compassion quand ses yeux tristes se sont arrêtés sur ma figure indifférente.

À la 67ème minute je me demande ce qui m’était passé par la tête quand j’avais proposé d’aller voir un match de foot au mois de février dans l’hémisphère nord ?! 

« Je ne vais plus aller aux matchs. Je ne veux plus m’affliger les choses pareilles. », j’informe calmement Mon Amoureux.

On est partis avant la fin pour pouvoir rentrer en métro à une heure convenable en évitant 68.000 autres personnes.

De toute façon, je savais qu’AC Milan allait gagner. À chaque match auquel j’ai participé l’équipe qui jouait à domicile a gagné.

 

Samedi.

 

Retour.

Milan – Lyon en mode Allegro.

Lyon – Dijon en mode 'j’apprécie tellement les TGV français, on dirait des temples bouddhistes'.

Rentrés frustrés de notre expérience gastronomique on a fait cuire toutes les pâtes qui tenaient dans la plus grosse casserole et on a mangé à ne plus en pouvoir.

« Lundi on ira acheter une bonne pizza chez Acqua e farina, rue Musette ! Pourquoi aller en Italie alors qu’on a la meilleure bouffe italienne à trois pas de chez nous ? »